Un instant cette semaine, je me suis envolée pour l’Ile de la Réunion où vit Alain Bled.
Après une prise de conscience d’une vie qu’il jugeait absurde entre boulot, métro, dodo, Alain a décidé de tout plaquer au début des années 70 pour rejoindre la France de l’autre bout du monde.
Là-bas, il a vécu 1000 vies, tout en conservant sa passion pour la littérature et notamment locale.
Depuis quelques années, il a repris le chemin régulier de l’écriture et publie chez Nombre7 Démoncratie.

Olivia Mahieu
Rédactrice web

L’exercice du pitch accrocheur et percutant ?

Alain Bled

 « Dans un monde dévasté par la guerre, une île abandonnée dérive sur l’océan indien, avec à la barre un capitaine psychopathe et un équipage incompétent. Quant aux passagers survivants, ils galèrent »

J’aime bien rédiger des 4ème de couverture, pour moi ou pour d’autres auteurs amis. Je tente de démontrer  la spécificité de l’ouvrage de la manière la plus concentrée possible.

Le monde lui-même est une île dont nous ne pouvons pas nous en échapper.

Ce pitch est à présent d’une actualité brûlante. Coïncidence : j’ ai reçu les premiers exemplaires de « Démoncratie » le 17 mars, au tout  début du confinement.

Confiez-nous une anecdote qui révèle votre personnalité

Il y a vingt ans, peu avant la retraite, j’ai refusé la médaille du travail. Je n’attache aucune importance aux drapeaux ni aux décorations. Surtout qu’on les attribue parfois à de sinistres enfoirés. Napoléon lui même le savait : « c’est avec des hochets que l’on mène les hommes ».
Et les soignants l’ont rappelé aussi récemment au gouvernement.

Une expression favorite ?

Là je sèche, pourtant j’ai certainement des tics verbaux, d’autant que je suis animateur et chroniqueur régulier sur une radio locale. Allez, peut-être

« Totoche out’ monmon »

l’équivalent créole de…N….T. ..M…!

Une grosse déception littéraire ?

Je regrette une certaine distance prise avec mon écriture il y a quelques années. J’aurais dû me forcer un peu à continuer à écrire et chercher des éditeurs bien avant les années 2000. Mais j’avais pas mal d’autres occupations : agent de voyages, journalisme, radio, famille. Il aurait fallu que je me lève plus tôt !

Une manie, un rituel d’écriture ?

Pas de rituel. Je note une idée ou une phrase quand elle me vient, puis dès que j’ai le temps, j’écris le premier jet :  crayon et gomme pour les textes courts, directement sur l’ordi pour les romans. Les idées me viennent mieux en fin de nuit, au réveil.

Pour la rédaction, il me faut juste du silence, surtout pas de musique, car sinon je me concentre sur la musique et je n’écris plus !

Pour moi écrire avec des écouteurs, ce serait comme écouter un artiste dans les bruits de fourchette au restaurant. Ça doit venir de mon respect pour la musique, amplifié par mon hobbie d’animateur. L’orchestre, par contre, je l’imagine dans ma tête tandis que j’écris, surtout dans les scènes épiques, ou sentimentales. En rédigeant, j’ai les images et la bande-son dans ma tête. J’aime à  rêver la plupart de mes romans en  films !

Écrivez-vous des choses que vous ne montrez à personne ?

Non, sauf les brouillons sans intérêt. Par contre je n’hésite pas à mettre sur ma page Facebook mes calembours les plus lamentables.  J’ai aussi écrit des dialogues pour une amie actrice de films X, ainsi que la présentation de son site. Mais rien n’est caché, même si la diffusion est restée confidentielle !

Il vaut mieux être un écrivain avec de grandes idées ou un écrivain avec de grandes poches pleines ?

La question est valable pour la plupart des professions. Chez les artistes en particulier, la sincérité devrait primer sur l’argent. Courbettes, cocktails, flatteries, hypocrisie, compromis, voire compromissions, se faire des relations, obtenir des subventions…Pour moi il faut être sincère. Plaire aux lecteurs et aux décideurs  ne doit pas vouloir dire perdre son âme.

Musso ou Levy ?

Musso ou Levy

Ma réponse se trouve en partie dans la question précédente. Non que je considère les auteurs à succès comme médiocres, qui suis-je pour les juger ?
Mais c’est comme la musique sur You Tube : combien de génies sont écrasés par les artistes commerciaux ?

Le bon peuple se précipite sur le caca d’internet comme sur le PQ à l’hypermarché. Et dans notre monde de moutons,  si on n’est pas dans les premiers, on reste invisible et on s’enfonce encore plus !

Pourquoi mettre en tête de gondole ceux qui même sans être exposés seront réclamés par les clients ? Et que dire de tous ces auteurs qui pour percer choisissent les sujets à la mode et s’improvisent experts en développement personnel, ateliers d’écriture et autres tutoriels, ou bienveillance rime trop souvent avec finances ?

Votre rêve littéraire secret et interdit ?

Je ne prémédite aucun projet. Le jour où une idée fait tilt dans ma tête, je m’y consacre à fond jusqu’au bout. J’écris chacun de mes livres dans un genre différent : chroniques de voyages, héroic fantasy, anticipation, documentaire, et les prochains à paraître : récit de vie, roman social, aventures de super-héros, uchronie historique  et recueil de nouvelles. Chacun de mes ouvrages a sa propre histoire, le seul point commun, si j’en crois les commentaires que j’ai lus, c’est un humour parfois caustique et un rapport étroit avec la société actuelle. Je dis ce que je pense, je ne m’autocensure jamais.

Nombre7, par choix ou par dépit ?

L’attention aux auteurs

« Démoncratie » a connu une histoire très compliquée. J’en ai écrit une première version en 1981. Puis j’ai eu d’autres occupations et j’ai abandonné ce premier bébé dans un tiroir durant 35 ans !  C’était mon premier roman, une œuvre de jeunesse un peu baclée. Mais l’idée de base n’avait pas pris une ride. Je l’ai alors totalement réécrit en tentant d’améliorer la psychologie des personnages et quelques scènes d’action. Les catastrophes écologiques qui aurait pu sembler exagérées  à l’époque me paraissent hélas à présent totalement vraisemblables. Cependant, aucun éditeur de la Réunion ne voulait l’éditer assez vite. Parmi les éditeurs dits « participatifs », Nombre 7 m’a paru le plus ouvert et dynamique. J’ai bien aimé le ton de l’équipe et  l’attention qu’ils portent aux auteurs. De plus j’y ai retrouvé une copine auteure éditée précédemment à la Réunion, Kim Amiano.

« édition à compte d’auteur » VS « à compte d’éditeur »

J’ai la chance d’avoir deux éditrices amies à la Réunion, et l’action de mes  livres se passe le plus souvent dans l’île, même si j’évite le régionalisme et que les thèmes que je développe sont universels. . Cependant je constate que la différence entre le bon vieux clivage « édition à compte d’auteur » et « à compte d’éditeur » se réduit : de plus en plus d’éditeurs à compte d’éditeurs, les seuls qualifiés de sérieux par un certain nombre d’auteurs, commencent à demander à l’auteur l’achat obligatoire d’exemplaires, entre autres contraintes.  Le danger à mon avis,  c’est que l’aspect financier prime sur la qualité des œuvres, et que les éditeurs deviennent de moins en moins exigeants sur la valeur des manuscrits proposés; ce qui achèvera le livre papier déjà bien mal en point. Heureusement, Nombre7 me semble prendre le meilleur des différentes formules. Il devient donc selon moi un choix tout aussi judicieux pour l’auteur qu’une maison d’édition locale. Seul point faible pour les auteurs ultra-marins  l’éloignement. Donc, j’avoue avoir commencé avec vous «faute de mieux », mais la prochaine fois, ce sera par choix …si vous m’acceptez bien sûr !

Alain Bled

Alain Bled 

auteur

Auteur du roman Démoncratie   
Catégories : Actualité

Gilles Arnoult

Éditeur et Directeur chez Nombre7 Editions, c'est un parcours multiple qui m'amène aujourd'hui à intervenir dans cet environnement littéraire qui m’a accompagné toute ma vie. Je suis à présent acteur de ce secteur avec un projet destiné à faire émerger de nouveaux auteurs et définir une "nouvelle frontière" pour l'édition.