Pour cette dernière interview de novembre, Gilles souhaitait que j’interroge Séverine Moulis, nouvelle venue dans la grande famille Nombre7 avec Douze, son recueil de nouvelles .
Il m’a dit « tu verras, Séverine a beaucoup de choses à dire, une personnalité bien trempée et peut-être même qu’elle te rejoindra sur l’importance de l’écriture inclusive .»
Tout à ma joie de trouver un soutien dans mon combat en faveur de l’écriture inclusive sur le blog de Nombre7 et de la promesse d’un riche échange, j’ai aussitôt décroché mon téléphone…
On commence comme un interrogatoire de police : Nom, prénom, âge et profession
Séverine Moulis – Je suis avocat depuis 23 ans à Nîmes. Je pratique le droit civil et le droit commercial.
J’exerce mon métier toujours avec le plus grand des bonheurs. J’aime le sentiment d’utilité qu’il m’apporte, le contact avec les gens et la liberté qu’il me procure.
C’est l’une des rares professions où l’on peut encore, lors de l’exercice de la plaidoirie, dire ce que l’on souhaite, dans les limites que la courtoisie impose.
L’immunité de parole de l’avocat est une chance extraordinaire dans un pays où les censeurs pullulent. Nous nous auto-censurons de plus en plus aussi.
Vous publiez, Douze, un recueil de nouvelles, Comment est-il né ?
S.M. – J’écris depuis des années. Dans l’exercice de mon métier d’abord, qui exige la maîtrise de la plume et du verbe, mais également dans des cadres plus ludiques. Il y a quelques années, alors membre de l’Union des Jeunes Avocats, j’ai commencé à écrire des sketchs, des saynètes, des chansons que j’interprétais sur scène. Je continue aujourd’hui encore.
Hormis
évidemment
pour les conclusions établies
dans l’intérêt de mes clients,
j’ai toujours fait en sorte que mon écriture soit légère, très
portée sur la dérision et l’auto-dérision.
Je trouve plus que
jamais, à l’aube de 2020, que nous avons besoin de rire.
Je ne
sais pas si le QI baisse en France mais
l’humour, qui est un
signe d’intelligence, se
raréfie.
Tout comme la liberté d’expression. Nous sommes au pays des Lumières mais pourtant, j’ai l’impression parfois qu’on a baissé l’interrupteur… On observe qu’il devient souvent difficile de débattre sur certains sujets sans que les invectives prennent le pas sur les arguments.
Douze contient 13 nouvelles. Est-ce un souci de coquetterie ?
Absolument
pas. Juste une question de timing et de rendu de ma dernière
nouvelle.
Celle-ci a
été la plus difficile à écrire.
Parlez-nous de Douze. De quoi s’agit-il ?
Séverine Moulis – Dans Douze, vous trouverez 12 tranches de vie que j’ai romancées et qui sont librement inspirées de personnages croisés ici ou là, de moments ou de scènes vus ou vécus.
J’aime observer mes semblables. Et bien entendu, sinon ce ne serait pas drôle, je m’amuse à descendre de vélo pour me regarder pédaler.
Mon style est caustique, teinté d’humour noir. On aime ou pas mais généralement, cela ne laisse pas indifférent.
Treize à la douzaine
La dernière nouvelle est moins légère. Elle est née d’une image qui me reste en tête, des années après : celle de l’exécution d’une femme à Kaboul.
Au-delà de la question du voile, dont on nous rebat les oreilles, dans cette nouvelle j’aborde le sujet des régimes autoritaires : fascisme, nazisme et aujourd’hui islamisme. Une thématique d’actualité à laquelle je suis confrontée comme nous tous dans la vie quotidienne mais également au sein de mon cabinet. Parce qu’on parle beaucoup des femmes, mais derrière les femmes, il y a toujours un homme… Et à l’heure où on s’en prend à la République, je veux rappeler que n’est pas la laïcité qui tue dans le monde, mais l’intégrisme religieux.
Vous êtes féministe, alors vous allez pouvoir m’aider à convaincre Gilles d’écrire un article sur le blog de Nombre7 sur l’écriture inclusive ?
S.M. – Hélas pour vous, ce ne sera pas le cas ! Je suis navrée Olivia mais je suis avocat et non avocate et je nomme mes consoeurs « chers confrères »
Pour
moi, le féminisme n’a pas à se mêler des questions de grammaire
et d’orthographe. Le combat n’est pas là.
Je le vois
forcément du prisme de ma profession mais je considère que les
combats du féminisme
avancent via les tribunaux, via la justice, tant en termes de respect
dû à l’intégrité des femmes (sur la question des violences par
exemple) que sur les questions d’égalité (en matière salariale
pas exemple).
Féministe à la sauce Badinter,
Je suis pour un féminisme combattant et pour des droits qui s’acquièrent le poing levé et non en jouant les petites choses fragiles, victimes de.
Cessons de nous renvoyer nous-même à l’image que certains hommes ont encore de nous de sexe faible. Mais je m’égare par rapport à votre question…
Gilles avait raison, Séverine a une sacrée personnalité ! Je repars mon combat sous le bras mais je ne désespère pas de trouver écho chez les nouveaux auteurs publiés par Nombre7.
En attendant, vous voilà avec une interview décoiffante et un nouveau livre à lire !