Après Nicolas Perruche-Serda, F.M. Martinet, Gilles Voirin qui avaient inauguré cette rubrique Parole d’auteur, cette semaine, nous accueillons un nouvel auteur, Arthur Versen ( un vrai nom d’auteur 🙂 ), qui prend la parole sur un sujet qui nous réunit : l’écriture


S’il y a bien un enseignement qu’apporte l’écriture, c’est qu’on ne peut pas accélérer le temps. Un livre, comme d’autres projets d’envergure, demande de la patience. On se lance là-dedans plein de mythes et de rêves sur les auteurs, convaincu que notre intrigue, bien qu’encore un peu floue, va se clarifier rapidement, au fil de la plume. Et puis on couche les premières phrases et chapitres sur le papier. Mais en y regardant de plus près, le tout est bancal et manque de construction. Et c’est là qu’apparaît le début du malaise, qui se manifeste par une forme de découragement, et peut déboucher sur un abandon.

Pourtant, le processus de réécriture est tout à fait sain. Un livre, ça se mûrit pendant des mois, des années même si c’est nécessaire. On le retravaille, on le triture. Bien que le nombre de pages n’augmente pas, l’histoire se précise, des idées se consolident. Il ne faut surtout pas craindre le temps. La vie n’est pas un contre-la-montre.

Le temps de la création
Crédit – Véronique Villard

Les omissions du storytelling

On l’oublie peut-être trop souvent à l’heure où l’on nous bourre de storytelling à longueur de journées. Rien de plus vicieux que ces courtes vidéos dans lesquelles un individu vous raconte la création de sa boîte et l’histoire de son succès mondial. Les déboires connus tout au long du chemin vers le succès, chemin qui peut être long de dix ou vingt ans parfois, sont lâchés en quelques secondes, minutes tout au plus.

Difficile, impossible même, d’imaginer que ces mêmes secondes se sont étirées en journées, mois ou années. Comme vous, cet individu a raté, a recommencé. Et surtout, il a accepté le temps. Il accepté l’attente. Mais ça, la vidéo ne le dit pas. Elle ne le dit pas parce que cela ne rentre pas dans le système de valeurs contemporain. On ne va pas se mettre à vous faire l’éloge du temps alors qu’on vous vend en permanence le culte de l’immédiateté en vous persuadant que vous aurez tout ce que vous voulez en un clic.

Éprouver le temps

Le problème, c’est que le temps n’est pas quantifiable. Terrible paradoxe alors que nous vivons plus que jamais sous le règne de la mesure et de la comparaison permanente des chiffres et des données. Comment répondre à des questions au sujet d’une avancée dans un projet lorsqu’elle n’est pas matérielle, qu’elle n’est pas palpable ? On tombe alors souvent dans l’impasse qui consiste à assimiler l’absence de preuves concrètes à l’absence d’évolution tout court.

Dans l’exemple de l’écriture, il est parfois extrêmement compliqué d’expliquer à quelqu’un que l’augmentation du nombre de pages n’est pas un indicateur fiable. J’ai bien avancé même si je n’ai rien écrit : maintenant j’y vois plus clair. Ce syndrome répandu de la page blanche peut conduire à laisser tomber. Si je ne ponds pas mes quatre cents pages en deux mois, c’est que je suis mauvais. Eh bien non, c’est que l’histoire n’est pas mûre, que vous n’êtes peut-être pas encore totalement au clair sur votre style, que vous ne vous êtes pas encore trouvé. Et puis il arrive que tout s’éclaire en un éclat et que ces pages tant attendues viennent comme si tout était soudain devenu simple. Mais ce fameux éclat est le fruit d’une gestation qui a éprouvé le temps.

Arthur Versen

Arthur Versen

Écrivain



Auteur du roman Les enfants du chaos   
Catégories : La vie des auteurs

Gilles Arnoult

Éditeur et Directeur chez Nombre7 Editions, c'est un parcours multiple qui m'amène aujourd'hui à intervenir dans cet environnement littéraire qui m’a accompagné toute ma vie. Je suis à présent acteur de ce secteur avec un projet destiné à faire émerger de nouveaux auteurs et définir une "nouvelle frontière" pour l'édition.

2 commentaires

Magali Jacques · 17 décembre 2020 à 9 h 30 min

Mais… je pensais que le temps n’existait pas.
 » On m’aurait menti! »
Ô Insouciance, je te chéris.

Jacqueline Forest · 18 décembre 2020 à 15 h 53 min

Ce que dit Arthur Versen est vrai. J’ai moi même écrit mes deux premiers ouvrages assez vite car je voulais qu’il soit publiés pour passer à autre chose. J’ai eu parmi mes lecteurs quelques remarques pertinentes dont voici la principale : Ils auraient aimé avoir plus de détails sur certaines situations. Je rappelle que mes deux premiers livres sont basés sur des faits réels. Je viens de terminer un recueil de nouvelles et là j’ai pris le temps de lire et relire, j’ai modifié certaines phrases et je sens que je me suis un peu améliorée mais j’ai encore beaucoup de chemin à parcourir pour arriver à améliorer mes textes.

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